Acquisition de deux carnets de dessins et croquis
Grâce au mécénat de MM. Olivier Obst et Frank Troncoso, la Société des Amis de Versailles a récemment offert au Château deux carnets de dessins et croquis, réalisés vers 1698 par les ducs d’Anjou...
Durant la période si particulière qu’a été le confinement, Monsieur Didier Doré, membre Bienfaiteur de la Société des Amis de Versailles, a offert deux documents du XIXème siècle qui rejoindront bientôt les archives du Château et qui résonnent particulièrement avec l’actualité. Monsieur Doré nous fait le plaisir de présenter ces documents aux Amis de Versailles :
S’ils intéressent chacun la petite histoire de l’accueil du public à Versailles, leur contenu les oppose. L’un refuse sans appel à son demandeur la visite du château, alors que l’autre permet à son détenteur d’y entrer à la date de son choix.
Le premier document est une lettre manuscrite datée du 9 mai 1836. Rédigée par un secrétaire, elle porte l’entête du cabinet de l’Intendant général de la Liste civile. Cette haute fonction était alors occupée par le baron Agaton Jean François Fain (1778-1837), le signataire de notre lettre. Il s’agit d’une réponse écrite au maire de Chantilly, Charles Jean Désiré Royer [i], auquel le baron Fain oppose ici un refus net à sa demande de visite du château de Versailles.
Deux administrations se partageaient la gestion des fonds et domaines royaux sous Louis-Philippe : l’administration du domaine privé, et l’Intendance Générale de la Liste Civile. Cette dernière incluait Versailles dans sa dotation immobilière. Le baron Fain exerça à deux reprises la fonction d’Intendant Général de la Liste Civile. Tout d’abord du 10 novembre 1830 au 2 octobre 1832, puis du 22 février au 6 septembre 1836. Ancien secrétaire et archiviste de Napoléon 1er, il était également depuis 1830 le premier secrétaire du Cabinet du roi.
Le musée d’Histoire de Versailles était en cours d’aménagement lorsque l’administration de la Liste Civile lui fut de nouveau confiée en février 1836, époque à laquelle son fils Camille (1799-1851) [ii] fut appelé pour lui succéder en tant que premier secrétaire auprès de Louis-Philippe. La demande de visite du maire de Chantilly intervenait donc au moment où les travaux de transformation de l’ancienne résidence royale en musée étaient en pleine effervescence. Si le baron Fain ne justifia que brièvement son refus, il prit toutefois le soin de préciser qu’ «on n’accorde la permission d’entrer à personne ». Ces deux derniers mots, soulignés d’un trait volontaire, excluaient sans équivoque toute possibilité de dérogation individuelle.
Qu’il fût élu municipal ou non, nul n’était admis à visiter le grand chantier architectural et muséographique qui marquait le début du règne de Louis-Philippe !
Le second document est une carte émise par le ministère d’Etat et la Maison de l’Empereur (Napoléon III) autorisant son détenteur, dont le nom a été laissé en blanc, à visiter « avec sa famille » les palais de Versailles et de Trianon.
Elle est signée du ministre d’Etat et de la maison de l’Empereur Achille Fould (1800-1867), qui occupa cette fonction du 14 décembre 1852 au 23 novembre 1860.
L’enveloppe d’expédition ayant été conservée, nous savons donc que cette autorisation de visite fut accordée à une certaine Madame Michelet, résidant 174 Faubourg Saint-Denis, à Paris. Elle porte la marque de franchise postale rouge « Service des Contre-Seings » en date du 23 décembre, mais sans précision de l’année. [iii]
Sachant que cette marque ne fut utilisée qu’à partir de 1857, et que le signataire de la carte Achille Fould quitta ses fonctions en novembre 1860, l’on peut donc dater cette expédition du 23 décembre 1857, 1858 ou 1859.
Les guides de voyage de l’époque recommandaient à quiconque souhaitait visiter les palais et les établissements impériaux d’en faire au préalable la demande écrite au ministre de la maison de l’Empereur. Car si l’accès aux jardins et parcs était libre, l’entrée dans les palais était souvent suspendue à une autorisation. C’était notamment le cas à Versailles, pour tous ceux qui désiraient visiter le Petit Trianon. [iv]
Cette carte d’admission n’était utilisable qu’une seule fois, « lorsque Leurs Majestés n’habitent pas le Palais », est-il bien précisé. La condition de l’absence du couple impérial dans la plupart des palais résidentiels ouverts à la visite (Tuileries, Fontainebleau, Compiègne …) fut rarement opposée aux visiteurs de Versailles et de Trianon. Car ces palais ne furent jamais habités stricto sensu, sinon occupés très occasionnellement, lors des réceptions officielles notamment. La plus mémorable à laquelle Versailles ait servi de cadre sous le Second Empire fut sans aucun doute la fastueuse réception donnée en l’honneur de la reine Victoria (1837-1901) en août 1855.
Didier Doré, juin 2020
[i] Charles Jean Désiré Royer (né en 1784) fut maire de Chantilly de 1830 à 1837. Il était le frère du journaliste, librettiste et auteur Alphonse Royer (1803-1875), Directeur du théâtre de l’Odéon, puis de l’Opéra de Paris
[ii] Camille Fain disposa à cette occasion d’un petit appartement dans l’aile gauche du Grand Trianon, proche de celui où Louis-Philippe avait décidé de s’installer.
[iii] L’enveloppe porte également le cachet bleu du « Service de l’Empereur (Maison de l’Impératrice) », et au dos, celui du Secrétariat des commandements de l’Impératrice.
[iv] « Les jardins du petit Trianon sont ouverts tous les jours au public ; mais le château ne se visite pas sans une permission qu’il faut demander par écrit au ministre de la maison de l’Empereur ou à l’adjudant des palais impériaux aux Tuileries. » Le grand Trianon était ouvert tous les jours au public, cependant on n’en visitait les appartements qu’accompagné par un gardien. Au château, l’accès aux salles du Musée d’Histoire était libre. (Source : Adolphe Joanne, Les environs de Paris illustrés.)