Les guides de poche ou la manière de montrer Versailles, par Jean-Claude Le Guillou
Publié le 20 février 2021
De Henri II à Louis XIV
Bien avant que les rois fassent construire à Versailles, le site était connu et très fréquenté par les marchands qui, voyageant de la Normandie vers Paris, trouvaient une halte reposante dans les auberges du bourg de Versailles avant d’aborder la capitale.
Aussi, dès 1551, donc au début du règne du roi Henri II, un premier livre imprimé : La guide des chemins de France, leur indiquait les itinéraires les plus commodes pour atteindre Versailles, puis le chemin à suivre jusqu’à Paris. Au départ de Versailles il leur faudrait traverser Viroflay et Chaville, puis monter la montaigne à costé de Meudon, et passer près d’Issy pour enfin aborder Paris par la plaine de Vaugirard.
Moins d’un siècle plus tard, le roi Louis XIII ayant fait bâtir un petit château au sommet de la colline dominant le bourg, un nouveau guide mentionnant Versailles fut publié en 1639. Celui-là, intitulé Le voyage de France ne s’adressait plus aux marchands voyageant pour leurs affaires, mais déjà aux amateurs d’art, auxquels il était déjà recommandé, pendant leur séjour à Paris, d’aller visiter Versailles, où le Roy régnant faict bastir.
Certes à cette époque, le château de Versailles, son parterre et son unique bosquet n’étaient encore que peu de choses, mais on peut remarquer que, puisque le plaisir de découvrir une nouvelle et jolie maison royale méritait bien un détour, il est clair qu’un premier élan touristique était lancé dès l’époque de Louis XIII, et que cet élan ne s’arrêta plus.
Lorsque Louis XIV, à partir de 1661, fit embellir et accroître le château et les jardins de son père, les visiteurs affluèrent. Parmi les plus notables on y vit les architectes Gian-Lorenzo Bernini et Christopher Wren, le fabuliste Jean de La Fontaine, la précieuse Madeleine de Scudéry et le gazettier Jean Loret, qui tous exprimèrent leur émerveillement ou leurs critiques.
Bien sûr ces personnalités étaient en mesure de juger par eux-mêmes de ce qu’ils voyaient. Mais il n’en allait pas de même pour les visiteurs moins bien formés qui, faute d’un guide, étaient un peu perdus. Aussi, ceux-là trouvèrent-ils un appréciable secours en 1674 lorsque l’historiographe André Félibien publia enfin le véritable premier guide complet de Versailles, sous la forme d’un petit livre de poche de 114 pages, intitulé Description sommaire du chasteau de Versailles. En préambule, Félibien exposait les raisons qui l’avaient amené à concevoir son livret : Versailles n’étant éloigné de Paris que de quatre petites lieues, on peut y aller aisément sans être obligé de coucher dehors. Mais comme il y a une infinité d’objets qui attirent les yeux de toutes parts, & que l’on se trouve souvent embarrassé de quel costé on doit aller, il est bon de suivre l’ordre que je vais marquer, afin de voir chaque chose de suite plus commodément & sans se fatiguer.
Comme cette maison est tous les jours visitée de tout ce qu’il y a de personnes en France, & que les Etrangers & ceux qui ne peuvent pasavoir le plaisir de la voir sont bien aises d’en ouïr raconter les merveilles, il a été trouvé à propos, en attendant que toutes les choses qui sont commencées soient entièrement achevées, d’en faire une description ample et exacte. Elle pourra servir à beaucoup de personnes qui vont la visiter ; car ils auront moins de peine à s’en souvenir & à repasser agréablement dans leur esprit ce qu’il auront vu pour en faire part à leurs amis.
On ne saurait mieux dire et c’est ce programme pédagogique qui fut respecté au cours des siècles suivants par tous les ouvrages analogues. Réimprimée à plusieurs reprises, tantôt légalement, tantôt frauduleusement à l’étranger par des éditeurs pirates, la description de Félibien connut un succès considérable pendant 25 ans. Cependant, comme Louis XIV n’avait cessé d’augmenter et d’embellir le château et les jardins tout au long de cette période, cette description devint progressivement caduque et par conséquent quasiment sans intérêt pratique. Pour cette raison un nouvel auteur, Laurent Morelet de Combes avait publié dès 1681 puis en 1695 un ouvrage mis à jour, intitulé Explication historique de ce qu’il y a de plus remarquable dans la maison royale de Versailles et en celle de Monsieur à Saint-Cloud, mais sans grand succès. En même temps, des descriptions particulières étaient consacrées à des lieux particulièrement remarquables comme La Grotte de Thétis, le Labyrinthe et la Grande Galerie, mais il s’agissait de prestigieuses éditions de collection plutôt que des « guides » à proprement parler.
Au XVIIIe siècle
Ce fut seulement en 1701 qu’un nouvel ouvrage de poche visa à remplacer la description de Félibien. Il s’agissait de la Nouvelle description des chasteaux et parcs de Versailles et de Marly, composée par Jean-Aymar Piganiol de la Force. Son livre, parfaitement à jour et bien plus développé que celui de Félibien, comptait 438 pages et était illustré des plans de Versailles et de Marly.
Or, à peine cet ouvrage fut-il publié que le moine Bénédictin Dom Michel Félibien, fils de feu André Félibien, trouva mauvais qu’une tierce personne se soit arrogée le droit de livrer une description réformant celle de son père. Aussi, estimant que ce droit lui revenait, publia-il lui-même en 1703, une mise à jour de l’ouvrage paternel en reprenant le même titre : Description sommaire de Versailles, en y ajoutant toutefois l’indispensable précision : Ancienne et nouvelle.
Ainsi, en 1703, deux guides descriptifs se firent-ils concurrence. Il est vrai que leurs contenus différaient sensiblement : celui de Piganiol s’attachait surtout aux œuvres d’art, en nommant les artistes et en expliquant les sujets mythologiques de toutes les peintures et sculptures : J’ai voulu apprendre la fable & l’Histoire à ceux qui ne les ont jamais sçûes, ou en faire ressouvenir ceux qui pourroient les avoir oubliées. Alors que celui de Félibien se concentrait plutôt sur l’architecture des bâtiments et la décoration des intérieurs. Du point de vue de l’édition, les deux ouvrages étaient sensiblement égaux puisque l’un comptait 438 pages et l’autre 410 pages ; mais celui de Félibien se voulait plus agréable à l’œil puisqu’il s’ornait de cinq planches gravées représentant 15 sujets différents, alors que celui de Piganiol n’offrait que ses deux plans.
Néanmoins, comme la description de Michel Félibien avait été élaborée dans la précipitation, elle était d’une lecture si confuse et si malcommode pour les visiteurs, qu’elle ne fut jamais réimprimée. En revanche celle de Piganiol, très pratique, connut un succès immédiat et si durable, qu’elle fut rééditée à huit reprises, jusqu’en 1764. D’abord en 1707 et 1713 avec un frontispice gravé en plus des deux plans, puis à partir de 1717 en deux volumes plus ou moins mis à jour et abondamment illustrés de plans et de grandes vues en pleine page ou dépliantes de Versailles, de Trianon et de Marly. Bien sûr, comme un guide en deux volumes n’aurait pas été aisément maniable pour un visiteur, l’éditeur avait pris soin de réserver exclusivement le premier volume à la visite du château, et le second aux jardins, à Trianon et à Marly.
Entretemps, maints auteurs proposant des guides de Paris et de ses environs, ne manquèrent pas d’y inclure des chapitres consacrés à Versailles, parfois originaux mais souvent inspirés par l’ouvrage de Piganiol, voire plagiés mots à mots. Le plus intéressant fut certainement le Voyage pittoresque des environs de Paris qui, publié en 1755 par Dézalliers d’Argenville, introduisait les visiteurs dans l’intimité du roi en décrivant son Petit Appartement sous les combles du second étage.
Mais il faut bien dire qu’à cette époque, le château de Versailles n’exerçait plus le même attrait pour les visiteurs. C’était déjà un édifice d’un autre âge dont les merveilles surannées n’attirait plus que quelques étrangers cultivés et surtout les badauds du dimanche, ainsi que le remarquait Louis-Sébastien Mercier en 1782 : le parisien court à Versailles pour y voir les princes, puis le parc, puis la ménagerie. On lui ouvre les grands appartements, on lui ferme les petits. Quant aux tableaux, aux statues, aux antiques, il n’a pas d’yeux pour cela ; mais il admire les glaces, la dorure, le dais du trône, et la quantité des plats que l’on pose sur la table royale. Les carrosses surdorés, les cent-Suisses, les gardes-du-corps, et les tambours le frappent aussi beaucoup. Dans ces conditions les guides descriptifs n’avaient aucune raison d’être ; de telle sorte qu’aucun livret spécifique ne fut imprimé entre 1764 et la Révolution.
A une exception près, celle du très utile Almanach de Versailles qui, conçu par le libraire versaillais Blaizot, fut édité annuellement et régulièrement mis à jour entre 1773 et 1791. Ce petit ouvrage de poche, qui s’adressait aux notables parisiens ou provinciaux amenés à fréquenter Versailles pour leurs affaires auprès des ministres ou des princes, consistait en une sorte d’annuaire passant en revue l’état présent de la famille royale, les listes des officiers composant les maisons princières, et maints renseignements pratiques sur les bons usages à respecter selon l’étiquette, sur les services publics, les adresses, les médecins exerçant en ville, les négociants, les foires etc… Et, pour être complet, on y trouvait une quarantaine de pages consacrées à la description des beautés de la ville, du château, de la Ménagerie et des Trianons.
Aux XIXe et XXe siècles
Après le départ de la famille royale et de la Cour, en 1789, le château traversa une longue période de sommeil. Puis, passées les heures les plus sombres, on imagina de le ranimer en installant un Musée d’histoire naturelle dans les anciens appartements de Mesdames tantes de feu Louis XVI, ainsi qu’un Musée de l’Ecole française dans les Grands appartements. Aussi, à l’intention des visiteurs, édita-t-on une Notice des tableaux du Musée spécial de l’Ecole française. En préambule de ce petit ouvrage il était précisé que le musée ne serait ouvert que six jours par mois pour le public français (le Quintidi et le Décadi de chaque décade), mais tous les jours pour les étrangers sur la présentation de leurs passeports. Par ailleurs les visiteurs étaient mis en garde contre les vendeurs à la sauvette qui débitent parfois la Notice du Musée au-dessus de son prix. Enfin ils étaient informés que près de la porte du Salon d’Hercule, serait disposé un gardien à qui on peut avec sûreté confier les cannes, sabres, manteaux, parapluies, qu’il est nécessaire de déposer avant d’entrer.
Quant à la publication de l’Almanach de Versailles, interrompue par la Révolution, elle sembla renaître à l’époque du Consulat sous le titre Almanach de Versailles ou le guide des étrangers, toujours publié par Blaizot. Bien sûr toute référence à la Cour avait disparu, mais il restait les renseignements pratiques relatifs à la ville et au château, désormais nommé Palais National. Bien sûr on y trouvait une description des Musées d’histoire naturelle et de l’Ecole française, mais l’édition de 1801 précisait que les appartements intérieurs du dernier roi n’étaient plus ouverts à la visite car ils servaient d’hôpital pour des militaires invalides, lesquels ayant besoin de repos ne devaient pas être troublé dans le local qui leur étoit destiné en récompense de leur fatigue et de leurs honorables blessures. En revanche, au Petit Trianon, les promeneurs seraient particulièrement attendus et bien accueillis, car depuis trois ans ce local a été loué à des particuliers qui en ont fait un séjour délicieux de plaisirs et de fêtes. On y trouve des rafraîchissements à volonté ; et tel qui y arrive le matin peut y passer agréablement la journée entière.
Comme l’ancien Almanach, celui de 1801 comportait le calendrier de l’année, mais évidemment établi selon le nouveau style républicain, de Vendémiaire à Fructidor, et s’enrichissait d’un plan de Versailles et d’une carte du nouveau Département de Seine-et-Oise.
En 1804, quand le Consulat se mua en Empire, l’Almanach de Versailles fut remplacé par un nouvel ouvrage : Le Cicerone de Versailles ou l’indicateur des curiosités et établissements de cette ville, publié par J.-P. Jacob imprimeur-libraire à Versailles. Selon son sous-titre : Cet ouvrage orné du plan de Versailles, est aussi intéressant pour les Etrangers, qu’il est utile à ses Habitants. De fait, après les pages du calendrier rétabli de Janvier à Décembre, il commençait par une ample description du château, des jardins et des Trianons, où il n’était plus question de militaires invalides ni de guinguette, il se poursuivait par une liste des rues, des adresses utiles, et des institutions officielles, avec les noms des dignitaires en place, tant de la Préfecture que de la Mairie, du Tribunal, du Clergé, etc…
En somme, malgré son nom de Cicerone, inspiré de l’antiquité romaine selon le goût néo-classique à la mode, cet ouvrage reprenait le principe de l’ancien Almanach, avec les mêmes descriptions des beautés de Versailles, et des listes d’officiers impériaux équivalentes à celles des officiers de l’ancienne Cour de Louis XVI. Réimprimé plusieurs fois, le Cicérone eut du mal à survivre à l’Empire, et finit par disparaître après deux tentatives de résurrection en 1823 puis en 1832.
Car déjà en 1820 était paru un guide mieux adapté aux aspirations des visiteurs modernes. C’était la Nouvelle description de la ville, château et parc de Versailles par Louis Prudhomme.
Pour cet auteur, il importait de présenter méthodiquement Versailles de manière à faciliter aux voyageurs l’examen de tout ce que renferme ce superbe séjouret de leur indiquer les moyensd’y voyager de la manière la plus agréable et la plus économique. Et pour cela il précisait quels étaient les moyens de transport avec les prix des places, les adresses des traiteurs et restaurants, des cafés, des spectacles et même des bains. Quant à la description du château et du domaine, elle était plutôt conventionnelle, voire un peu en deçà de tout ce qui avait été publié sur le sujet depuis plus d’un siècle. En somme il s’adressait à un public de promeneurs un peu superficiels, seulement désireux de passer une belle journée dans un cadre agréable, en y faisant bonne chère en épargnant la dépense. Sans doute avait-il vu juste puisque son guide, enrichi de gravures, fut réimprimé sept fois en dix ans.
Peu après le guide de Prudhomme était paru en 1822 le Tableau descriptif, historique et pittoresque de la ville, du château et du parc de Versailles, compris les deus Trianons, par Jean Vaysse de Villiers, lequel s’adressait au même large public, c’est-à-dire à la foule des curieux qui partent journellement de la capitale pour visiter Versailles. Mais au contraire de la plupart de ses prédécesseurs, il avait rédigé son livre après avoir lui-même exploré attentivement le château dans ses moindres recoins afin d’en tirer ses propres impressions et les faire partager à ses lecteurs. Alors, il les entraînait dans une visite toute personnelle, comme on accompagne des amis. Dans les grands Appartements, il leur faisait admirer les riches ornements dorés, les sculptures, les guirlandes et les corniches. Mais il souffrait d’y voir trop de murs nus qui réclament encore leurs tentures qui, enlevées dans la révolution, n’ont été ni rétablies depuis, ni remplacées.
Ayant visité les prestigieuses pièces royales, il parcourait ensuite à grands pas les appartements privés qu’il estimait dénués d’intérêt : La chambre à coucher de Louis XVI ne brille que par ses dorures ; il en est de même de son grand et de son petit cabinet, du cabinet de la vaisselle d’or et de la bibliothèque du Roi. La petite salle à manger est entièrement et tristement peinte en gris-blanc ; une plus triste salle de billard, éclairée d’un jour de souffrance termine cet appartement. Et de conclure : Nous avons parcouru tous les grands et petits appartements, sans rien laisser à désirer… On ne montre jamais les appartements du rez-de-chaussée, ni ceux des grandes ailes du nord et du midi. Si je les ai visités moi-même, c’est par une faveur spéciale à laquelle je n’attachais d’autre prix que de ne rien laisser à connaître, pour faire saisir à mes lecteurs, en leur épargnant tous les détails dépourvus d’intérêt. Je puis leur certifier que ce qu’on ne leur montre point ne mérite pas plus leur curiosité que leurs regrets.
Comme on le voit, pour un contemporain de Louis XVIII et de Charles X, le château de Versailles ne valait que pour ses témoignages du Grand siècle. Et puisque tout le reste ne méritait pas même un regard, il n’aurait certainement éprouvé aucun regret à voir disparaître les lambris sculptés des appartements du Dauphin, de la Dauphine, de Mesdames, du comte d’Artois, et de tant d’autres…
Cette indifférence, voire ce mépris, à l’égard des créations du XVIIIe siècle, était largement partagé par les élites du temps, et notoirement par le nouveau roi Louis-Philippe qui, à partir de 1833, crut faire œuvre utile en remplaçant le supposé néant artistique des intérieurs du rez-de-chaussée du Corps Central et des Grandes Ailes par d’amples salles et galeries où il fit aménager un tout nouveau Musée d’Histoire de France lequel, pensait-il, magnifierait et terminerait avec éclat la création de Louis XIV.
L’essentiel de ce programme de destruction et de réagencement s’étant achevé en 1837, les visiteurs purent venir admirer le palais désormais consacré A toutes les gloires de la France. Du reste, afin de rendre le Musée aisément accessible au plus grand nombre, les compagnies ferroviaires s’étaient empressés d’ouvrir deux lignes de chemin de fer et deux gares à proximité du château.
Dès lors les éditeurs imprimèrent une multitude de guides peu coûteux exposant les merveilles du Versailles moderne. Tous, écrits à la va-vite et se plagiant les uns les autres, avaient un but avoué : parler aux masses, ainsi que l’annonçait sans ambages la première Description par salles des tableaux du musée de Versailles, parue dès 1837. Unanimement, les auteurs de ces opuscules insistaient sur les salles du Musée de l’Histoire de France, énumérant tous les tableaux et sculptures retraçant l’Epopée nationale depuis Clovis, sans guère prêter attention aux anciens appartements royaux. Et cela dura jusqu’à la fin du règne de Louis-Philippe, voire pendant les premiers temps du Second Empire.
Mais déjà, la librairie Hachette, attentive aux aspirations du public, s’était rendue compte que le Musée d’Histoire ennuyait tout le monde, et que si les visiteurs se rendaient à Versailles, c’était principalement pour y retrouver le souvenir des rois et y admirer leurs créations.
Aussi en 1853, cette maison d’édition publia-t-elle, dans sa collection Guides-Cicerone, bibliothèque des chemins de fer, le tout nouveau Versailles rédigé par Frédéric Bernard, bientôt remplacé en 1856 par celui, un peu plus étendu, d’Adolphe Joanne. C’était enfin l’ouvrage indispensable aux visiteurs devenus des « touristes ». Rien n’y manquait : moyens de transport et tarifs, les conditions de visite du château dont l’entrée était gratuite, et qui était ouvert tous les jours sauf le lundi, de 11 heures à 16 heures de mai à octobre et jusqu’à 17 heures en été etc… Venait ensuite l’itinéraire méthodique à suivre pour visiter le musée d’histoire, et surtout les appartements de parade et les appartements privés avec maintes explications, puis les jardins et les Trianons.
Parfaitement méthodique et assez fiable malgré quelques faiblesses, ce guide fut régulièrement réédité, avec quelques mises à jour mais aussi, afin de le mettre à la portée de visiteurs de plus en plus pressés, avec un regrettable allègement de sa teneur pédagogique. Cela se perpétua pendant un siècle jusqu’en 1953, toujours par la librairie Hachette, successivement dans ses collections des Guides Joanne, des Guides Diamant, et finalement des Guides Bleus illustrés.
Entretemps, un guide concurrent et de valeur comparable, avait été lancé par L. Bernard libraire-éditeur à Versailles. Celui-là s’intitulait : Une journée à Versailles. Depuis sa première édition en 1889 jusqu’à la dernière, parue en 1948, il connut le sort de ce genre de publication, c’est-à-dire qu’il y gagna en attrait grâce à l’abondance de son illustration mais qu’il y perdit progressivement en teneur, comme on peut en juger par le déclin entre ses 220 pages de 1889 et les pauvres 64 pages de son édition de 1948.
Aussi, constatant la dégradation progressive de ces petits ouvrages mis à la disposition du public, et consterné par la médiocrité des autres livrets qui se répandaient à profusion depuis longtemps, un conservateur en chef du château, Charles Mauricheau-Beaupré, estima de son devoir de réaliser lui-même un guide fiable et de grande tenue. Après un premier essai tenté alors qu’il n’était encore que conservateur-adjoint, il livra en 1949 le premier Guide officiel intitulé Versailles, l’histoire et l’art. En préambule de cet ouvrage magistral il précisait les motifs de sa démarche : Depuis 1674 que Félibien en a publié le premier guide, il a toujours fallu y mêler architecture, peinture, sculpture, techniques diverses, l’histoire et la mythologie… La formule ancienne du guide descriptif qui remonte aux origines et au dessein même de Versailles ne saurait être abandonnée. Elle répond au désir de tous ceux qui, dans la foule sans cesse croissante des visiteurs de Versailles, veulent être orientés puis conduits de la simple vision sur le chemin de la connaissance.
Depuis, la formule a toujours été respectée, et le mérite de la publication de guides de qualité est restée dans le domaine des experts conservateurs, depuis le nouveau Guide Officiel de Gérald Van der Kemp qui, en 1975, incitait les visiteurs à aimer Versailles et à avoir conscience que pour conserver à l’humanité un tel témoin de son génie, c’est une lutte de chaque instant qui est entreprise contre l’usure des siècles, jusqu’à celui de Pierre Lemoine publié pour la première fois en 1991 avec d’importantes mises à jour mentionnant les plus récentes restaurations, reconstitutions et remeublement. Ensuite, ce sera l’affaire du XXIe siècle, avec ou sans recours aux supports informatiques…
Jean-Claude Le Guillou est Historien et membre du Comité Scientifique de Versalia
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