Portrait d’auteur : questions à Antoine Boulant autour de son ouvrage « Les journées de la révolution, le peuple à l’assaut du pouvoir (1789-1795) »

Publié le 11 septembre 2021
« La journée Révolutionnaire, le peuple à l’assaut du pouvoir (1789-1795) », par Antoine Boulant, aux éditions Passés/Composés.

Docteur en histoire, Antoine Boulant est l’auteur de nombreux travaux relatifs à l’histoire politique, institutionnelle et militaire du XVIIIe siècle, de la Révolution et du Premier Empire. Il a notamment publié une biographie de Saint-Just. L’archange de la Révolution, saluée par la critique.

Parlez-nous de votre ouvrage « La journée Révolutionnaire, le peuple à l’assaut du pouvoir (1789-1795) » paru aux éditions Passés/Composés en février 2021

Ce livre se propose de présenter les grandes « journées » qui ont rythmé la Révolution française entre 1789 et 1795 – sachant qu’après cette date, le Directoire n’a pas connu de journées mais des coups d’État, que je n’inclue donc pas dans mon champ d’étude. Si nous avons tous en mémoire la prise de la Bastille, qui demeure la journée la plus symbolique de la période, il y en eut beaucoup d’autres, qui ont bien souvent représenté de véritables moments de bascule. Cela a notamment été le cas des journées des 5 et 6 octobre 1789, à l’issue desquelles Louis XVI et sa famille ont dû quitter le château de Versailles pour venir s’installer à Paris, ce qui témoigne d’un abaissement considérable du prestige monarchique, qui a bien été perçu comme tel par les contemporains.

Pourquoi avez-vous choisi d’étudier les journées révolutionnaires avec une approche comparative plutôt que chronologique ?

C’est en effet un choix délibéré, qui fait d’ailleurs la spécificité de cet essai. Plutôt que de présenter ces huit journées successivement, j’ai souhaité adopter une démarche transversale pour en révéler le mécanisme et tenter de dégager un modèle commun à l’ensemble de ces phénomènes. Je me suis notamment attaché à étudier leurs origines, leurs protagonistes – on constate par exemple que la composition sociale des foules révolutionnaires reste quasiment inchangée durant toute la période –, leurs modalités de déroulement et leurs conséquences sur le processus révolutionnaire.

Comment définissez-vous une « journée » révolutionnaire ? 

Il s’agit d’un épisode au cours duquel le « peuple » de Paris – en réalité une minorité de la population – prend les armes au nom de sa souveraineté et décide d’exercer une pression physique et psychologique sur le pouvoir en place – le Roi entre 1789 et 1792, les députés de la Convention nationale entre 1793 et 1795 – pour en obtenir des mesures à caractère politique, économique ou social, voire pour renverser ce pouvoir. Une journée peut donc être définie comme une insurrection populaire à caractère politique, ce qui la distingue d’un coup d’État, d’une émeute frumentaire ou d’une simple manifestation.

Combien de journées révolutionnaires avez-vous dénombré entre 1789 et 1795 ? Laquelle symbolise le mieux le mécanisme révolutionnaire ?

Si l’on retient le critère que je viens de définir, on dénombre un total de huit journées : deux en 1789 (la prise de la Bastille et les journées d’octobre), deux en 1792 (dont la célèbre insurrection du 10 août), deux en 1793 (dont celle qui aboutit à la proscription des principaux députés girondins le 2 juin) et deux en 1795 (dont l’émeute du 20 mai qui aboutit à l’invasion de la salle des séances de la Convention). Si de nombreux parallèles peuvent être établis entre ces différents événements, des différences notables sont cependant perceptibles. C’est ainsi que certaines journées ont été particulièrement meurtrières, tandis que d’autres n’ont fait aucune victime. L’insurrection du 10 août 1792, au cours de laquelle les sans-culottes et les fédérés s’emparèrent du palais des Tuileries, demeure cependant la plus emblématique : elle fut minutieusement préparée, rassembla plusieurs dizaines de milliers d’émeutiers, fit un nombre considérable de victimes et aboutit au renversement de la monarchie, avec pour conséquence la proclamation de la Première République six semaines plus tard.

Combien de temps dure une journée révolutionnaire ?

Si l’on met de côté la préparation de la journée dans les jours ou les semaines qui la précèdent, l’insurrection proprement dite ne dure que quelques heures. Il peut parfois y avoir deux journées en une : le Roi quitta Versailles suite à l’invasion du château le 6 octobre, mais le peuple avait commencé à se rassembler la veille sur la place d’Armes et l’avenue de Paris, contraignant ainsi le monarque à accepter la Déclaration des droits de l’homme.

Votre analyse vous a-t-elle permis de dégager des origines communes à ces journées ? 

Ce qui unit tous les émeutiers entre 1789 et 1795 est d’abord l’hostilité au pouvoir en place. Louis XVI fut ainsi successivement soupçonné de vouloir dissoudre l’Assemblée constituante par la force, de refuser l’abolition du régime féodal, de protéger les prêtres réfractaires et de compromettre la défense nationale après la déclaration de guerre. À cette origine proprement politique s’ajoutent des causes économiques. Ce n’est pas un hasard si les émeutiers de Versailles furent d’abord des émeutières, femmes de la Halle venues réclamer au Roi des mesures destinées à améliorer l’approvisionnement de Paris en pain à bon marché.

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