Balade d’un jour d’après…

Publié le 20 juin 2020

Madame Florence Hélaine, membre Sociétaire a retrouvé le Château avec plaisir et partage ses impressions avec nous.

Après deux mois de confinement en province je retrouve le château avec un plaisir non dissimulé.
Je sais que la Galerie des Glaces a été dépoussiérée et j’ai envie de voir, mais le temps doux et légèrement couvert est propice à une petite flânerie préalable. J’entre par la grille de la Reine et me dirige vers les jardins. Trois jeunes gardiens interrompent leur discussion pour valider mon entrée, ils ont l’air satisfaits d’avoir un passage… Première impression curieuse : personne autour du bassin de Neptune, pas non plus de petit train qui fait mordre la poussière et… les eaux en fonctionnement, pour moi toute seule ! C’est sans doute un test de préparation à la reprise du vendredi mais je me sens privilégiée, accueillie comme la reine d’un instant. Je contemple. Les eaux retombent, je dirige mes pas vers le Bosquet d’eau pour voir si les herbes folles ont poussé. La lumière qui semble vouloir percer la grisaille illumine les perles bleues d’Othoniel… juste un instant, moment fugace, comme un clin d’œil. Oui, les herbes ont poussé, certains bancs en sont même recouverts. Une négligence inattendue qui donne à cet endroit une allure plus familière, plus abordable. C’est comme le jardin de la maison de campagne quand on arrive en vacances et qu’il faut reprendre le sécateur. On se sentirait presque chez soi.

© EPV / Thomas Garnier

© EPV / Thomas Garnier

Je ressors et me dirige vers les parterres, les cônes de l’allée m’amusent, certains demeurent impeccables alors que d’autres ont de petites mèches folles qui ont poussé çà et là leur donnant l’air juvénile des coiffures « coiffées décoiffées ». De petites irrégularités qui osent rompre la perfection intemporelle, comme une provocation adolescente… Il y a quand même quelques visiteurs sur la terrasse et autour des parterres, mais le calme règne, pas de selfies, pas de groupes volubiles, juste la sonorisation… Lully reprend ses marques.
Côté Orangerie, presque personne. En contraste, sous les yeux, la profusion des palmes et des lauriers. Les orangers sont sortis, comme à l’accoutumée l’alignement des caisses est parfait, pourtant, quelque chose est différent, quelque chose qui donne comme une odeur de nostalgie. A certains endroits les verts s’affadissent, laissant déjà présager les couleurs de l’automne. Ici, le temps n’a pas été suspendu, le cycle de la végétation s’est naturellement déroulé à son rythme, suivant celui du soleil, ce n’est qu’à nous qu’il a manqué une étape.
Les jardiniers s’affairent sur les parterres sud, on sarcle, on griffe, on souffle. Entre les buis, les monticules de terre fraîche attendent, les fleurs et la légèreté vont revenir. Pour l’instant juste le vert des buis, c’est comme l’hiver… au printemps.

© EPV / Thomas Garnier
© EPV / Thomas Garnier

Après le dehors, le dedans : autres espaces, autres impressions. Un peu plus de monde mais quand même un silence inhabituel, une sérénité. C’est la fin d’après-midi, l’heure de la jolie lumière dans la Galerie des Glaces… la dorure des torchères est presque insolente, les cristaux des girandoles ont un éclat inhabituel et l’espace s’en trouve comme ponctué. Les quelques visiteurs ne sont plus que de rares points de suspension. À certains moments il n’y a plus personne, les gardiens de noir vêtus se font discrets, la galerie semble allongée et le temps suspendu…instant de grâce.
 Mon regard quitte les ors et se pose sur les poteaux et les cordes posés pour guider les visiteurs, autre monde… Je me dirige directement vers la Galerie des batailles, sans pose, il est tard. La lumière et le baroque font place à l’austérité des ciels chargés de la guerre. Les combats, les trophées, la souffrance sont magnifiés, mais quand même, c’est la vie, et d’une certaine manière, la réalité de notre humanité. Les quelques visiteurs un peu las comme toujours à ce moment du parcours n’ont pas l’air blasés, ils s’attardent, contemplent. Il règne comme un silence grave, respectueux, on entend craquer le parquet, la galerie ne se prête ni à l’intimité ni à la douceur mais aujourd’hui il flotte dans l’air quelque chose d’indéfinissable…    

Florence Hélaine, juin 2020
© EPV / Thomas Garnier
© EPV / Thomas Garnier

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