Portrait d’auteur : 3 questions à Pierre-Louis Lensel pour son ouvrage « Le duc du Maine, le fils préféré de Louis XIV »

Publié le 06 octobre 2021

Pierre-Louis Lensel est un historien de formation et il est aujourd’hui devenu auteur pour les émissions quotidiennes « Au coeur de l’histoire » sur Europe 1, puis « Franck Ferrand raconte » sur Radio Classique.

Votre nouvel ouvrage « Le duc du Maine, le fils préféré de Louis XIV » est paru aux éditions Perrin en septembre 2021. Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

J’ai découvert la Cour de Louis XIV quand j’étais enfant grâce au très beau téléfilm de Nina Campaneez, L’Allée du Roi, qui racontait la vie de Mme de Maintenon, interprétée par Dominique Blanc. Cela m’a donné envie de lire le livre de Françoise Chandernagor, dont c’était l’adaptation. Tout m’y a plu : ce portrait de femme forte, ce personnage complexe guidé dans une société brutale par un entendement supérieur, la beauté du français de cette époque… À partir de là, je me suis mis à lire tout ce qui me tombait sous la main sur cette Cour.

Or, souvent, j’étais étonné que les auteurs passent si vite sur le personnage du duc du Maine, fils de Louis XIV et de Mme de Montespan, élevé par Mme de Maintenon. J’avais le sentiment que sa trajectoire romanesque, marquée par une ascension inouïe suivie de terribles échecs, méritait que l’on s’y arrête. Quand il m’a fallu décider d’un sujet de mémoire de master 2, j’ai choisi de m’intéresser au couple peu commun qu’il a formé avec son épouse, la très vive duchesse du Maine, qui tenait l’une des sociétés les plus extraordinaires de son temps. Plus je creusais, plus je trouvais que le personnage était passionnant.

Décrit le plus souvent comme fragile, introverti et infirme, qui était véritablement le duc du Maine ?

Fragile, il l’était. Infirme aussi puisqu’il boitait assez lourdement. Introverti, cela dépendait des circonstances. De nombreux contemporains le décrivent comme avenant, agréable en société et d’excellente compagnie. Le marquis d’Argenson, qui n’avait par ailleurs pas une grande estime pour lui, en parle comme de « l’homme de France qui contait le mieux ». Le duc du Maine n’est pas ce prince terne que l’on décrit parfois.

C’était un homme intelligent, cultivé, pieux, mais aussi d’un fond timide, aimant la solitude et sans doute trop poussé en avant par son père, Mme de Maintenon et son épouse, en dépit des doutes et du sentiment d’imposture qui l’assaillaient souvent. Malgré un sens politique assez limité aussi. Quand il était dépassé, le duc du Maine était capable d’une certaine lâcheté et de refuser des obstacles, c’est indéniable. Mais il existe plusieurs formes de courage : sa fidélité dans des circonstances difficiles démontre qu’il savait aussi en faire preuve.

Au-delà de la part de mystère que conserve le personnage, une chose me paraît certaine : le duc du Maine n’est pas l’usurpateur dévoré d’ambition et prompt aux intrigues les plus basses que décrit Saint-Simon. C’est malheureusement souvent cette image qui est restée de lui. J’espère pouvoir contribuer à rétablir un peu les choses sur ce point.

Pourquoi Louis XIV a-t-il bousculé les règles pour établir ce fils illégitime ?

Il y a plusieurs raisons. L’affection paternelle et les inquiétudes exprimées par Mme de Maintenon, la duchesse du Maine et le prince lui-même sur son avenir et celui de ses enfants ont leur part. Dès sa légitimation et son apparition à la Cour, à l’âge de 3 ans, le duc du Maine s’est trouvé dans une situation très délicate : la contradiction entre sa bâtardise supposée infamante et l’immense faveur dont il a vite bénéficié faisait de lui, si vous me passez ce résumé un peu trivial, « un objet social non identifié ». Était-il d’abord l’incarnation du grave péché de ses parents ou était-il avant tout le fils du roi ? Pouvait-on d’ailleurs le considérer comme un vrai prince ? Très vite, son combat et celui de ceux qui l’aimaient a été de tout faire pour que l’on puisse répondre positivement à cette question.

Mais il y a aussi, dans l’élévation progressive du prince – jusqu’à faire de lui un « prince du sang » et un héritier possible du trône en dernier recours – des raisons politiques complexes, que j’essaie de mettre en avant dans mon travail, à la suite d’autres auteurs. En deux mots, c’était une façon pour Louis XIV de signifier son pouvoir, mais aussi de préparer l’avenir, après lui. Le roi connaissait les fragilités de son fils, mais il pensait que ses grandes qualités seraient utiles au jeune Louis XV et au royaume.

Quels étaient ses liens avec sa mère, la marquise de Montespan ?

Ils sont complexes et gardent, là aussi, une part de mystère. Des lettres montrent que, dès l’adolescence, le duc du Maine a plus de confiance dans le jugement de Mme de Maintenon qu’en celui de sa vraie mère, qu’il estime moins raisonnable. Il faut dire que, dès ses premières années, il a été un enjeu entre ces deux femmes brillantes, capables de dureté chacune à leur manière, dont l’une a fini par perdre la faveur du roi quand l’autre est devenue son épouse morganatique. Les tiraillements violents entre elles ont forcément beaucoup marqué le duc du Maine. À l’âge adulte, même si ses relations avec Mme de Montespan n’ont pas été aussi mauvaises qu’on l’a dit, les indices que l’on possède suggèrent des rapports assez froids. Il est difficile de se prononcer plus sur cette relation contrariée.

Décrivez-nous « votre » Versailles

Je ne vais pas être très original en disant que Versailles est un synonyme de grandeur. C’est un lieu qui subjugue, qui submerge, mais qui, en même temps, garde quelque chose de familier et d’accessible. J’aime aussi le fait que plusieurs époques s’y rencontrent, s’y répondent et s’y contrarient un peu aussi parfois.

Quel est votre endroit coup de cœur ?

J’en ai deux. Le premier, c’est la chambre du roi, peut-être parce que j’ai eu la chance d’y vivre une expérience forte. À l’époque où j’ai rejoint l’équipe de l’émission Au Cœur de l’histoire, sur Europe 1, Franck Ferrand m’a fait un beau cadeau en me proposant de travailler sur l’émission consacrée au 300e anniversaire de la disparition de Louis XIV. Nous l’avons enregistrée là même où le roi est mort, avec, comme invités, Béatrix Saule et Alexandre Maral. Cela donnait une émotion très particulière à ce moment.

Le second lieu, c’est la chapelle, avec laquelle j’ai une histoire un peu contrariée, puisque à chaque fois que je suis allé à Versailles, pour une raison ou pour une autre, je n’ai jamais pu la voir que de l’extérieur. Or, c’est à mon sens un chef-d’œuvre absolu d’architecture religieuse. Je ne désespère pas de le constater un jour de plus près.

Pour en savoir plus sur le « Duc du Maine. Le fils préféré de Louis XIV », venez assister à la conférence de Pierre-Louis LENSEL le 13 octobre à 18h30 en ligne ou dans l’appartement des amis.
Pour plus d’informations ou pour vous inscrire vous pouvez vous rendre sur notre site internet.

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