Pavillon de préfiguration du musée du Grand Siècle : entretien avec Alexandre Gady

Publié le 22 septembre 2021

En septembre 2021, le pavillon de préfiguration du musée du Grand Siècle a été inauguré dans le Petit château du domaine de Sceaux. Le musée du Grand Siècle ouvrira ses portes dans l’ancienne caserne Sully à Saint-Cloud en 2026. D’ici là, le pavillon de préfiguration sera un lieu de travail, de recherche et de conservation afin d’aider à la mise en place du musée. Alexandre Gady, directeur de la préfiguration, nous livre quelque mots concernant ce projet.

Entretien

Comment est née l’idée d’un musée du Grand Siècle ?

Ce projet est né en 2019 de la rencontre entre la volonté de Pierre Rosenberg de donner ses collections d’œuvres d’art, et la vision pour la culture portée par Patrick Devedjian, alors président du Département des Hauts-de-Seine. La générosité et la richesse de la donation proposée ont permis d’envisager la création d’un nouvel établissement, qui s’appuie sur les trois lignes de force de la collection Rosenberg : le XVIIe siècle français, l’art de la collection et la recherche en histoire de l’art. Pour un tel projet, il fallait un lieu emblématique : l’ancienne caserne des gardes du corps du Roi, à Saint-Cloud, a été retenue. Ce bel édifice construit sous Charles X fait actuellement l’objet d’un concours d’architecture, dont l’issue interviendra en janvier prochain.

Notre projet s’articule autour de trois entités, évidemment liées entre elles : le musée du Grand Siècle, qui présentera, à travers un parcours thématique, les arts français au XVIIe siècle, soit un musée de civilisation comme ceux de Cluny, d’Ecouen ou d’Orsay, c’est-à-dire avec tous les arts convoqués ensemble ; le cabinet des collectionneurs, qui donnera à voir l’essentiel de la collection Rosenberg dans sa diversité typologique et chronologique, avec une présentation plus intimiste proche de l’esprit du donateur – ce cabinet a d’ailleurs vocation à accueillir d’autres donations, dans le respect de leur personnalité ; enfin, le centre de recherche Nicolas Poussin, qui offrira, avec un cabinet des dessins de 3500 feuilles, une bibliothèque de 50 000 ouvrages et une riche documentation, un lieu idéal pour la recherche et les études dédiées au XVIIe siècle.

Vous avez été nommé préfigurateur de ce projet d’envergure. Quelles sont vos missions précisément ?

La Mission de préfiguration a été créée en septembre 2019 dans un triple but : concevoir le projet scientifique et culturel du futur établissement ; développer ses collections ; enfin, mettre au point le programme architectural, avec comme conseil M. Frédéric Ladonne et en liaison étroite avec les directions de la Culture et des Bâtiments du Conseil départemental. La Mission a également mis en place un conseil scientifique et un comité d’acquisition, qui se réunit deux fois par an.

Ce jeune service a par ailleurs vocation à s’étoffer régulièrement jusqu’à former l’équipe du musée lors de l’ouverture, début 2026. Outre le directeur et son assistante, le service compte aujourd’hui deux conservateurs, une régisseuse, une chargée de la médiation et du public et le responsable du centre de recherche. De nombreux stagiaires nous aident également depuis deux ans, dans une ambiance exaltante car il y a tout à créer !

Pierre Rosenberg a constitué une exceptionnelle collection de peintures et de dessins. Pourriez-vous nous dévoiler quelques-uns des chefs-d’œuvre de cet ensemble remarquable ?

La collection Rosenberg est aussi riche que diverse, aussi savoureuse qu’exigeante. L’arc chronologique, allant du XVe au XXe siècle, donne d’ailleurs une bonne idée de la curiosité qui la sous-tend. Par ailleurs, il faut y ajouter un volet moins connu, la collection des animaux de verre de Murano (XXe siècle), dont une partie a été exposée cette année à Venise à la Fondation Cini.

Pour les peintures françaises, où dominent les sujets religieux, citons parmi tant d’autres La vierge pleurant le Christ mort de Simon Vouet, une Annonciation de Philippe de Champaigne, le modello du May de Notre-Dame de 1637 de Laurent de la Hyre, le Saint Louis en prière de Charles Le Brun, un magnifique paysage de Louis Cretey, le riccordo d’un grand tableau d’autel de Jean Jouvenet, un petit Chardin sur ardoise datée de 1750, deux figures féminines de Subleyras, un camaïeu de Fragonard, deux paysages néoclassiques de Joseph Vernet, des portraits de Thomas Couture et Léon Bonnat…, ainsi qu’un modello de Puvis de Chavanne pour le Panthéon ou des œuvres d’artistes comme Devambez et Pougheon… Côté dessins, également répartis sur une longue période, on trouve tout le XVIIe siècle français, des petits maîtres aux grands (dont Poussin, bien sûr…), un magnifique Watteau ayant appartenu à Mme de Pompadour, des pastels (Vivien, Van Loo) ou des fusains tardifs (Georges Dorignac).

Hormis les œuvres issues de la collection Pierre Rosenberg, quelle est la provenance des autres œuvres qui viendront compléter cet ensemble ?

Le musée du Grand Siècle, par son ambition, nécessite une collection qui dépasse la donation. Ses fonds seront en fait de trois ordres : une partie des tableaux du XVIIe siècle français de Pierre Rosenberg, évidemment ; des dépôts des grands musées nationaux et de collectivités, dont je veux saluer la grande générosité ; enfin des acquisitions, votées par un comité de 16 membres, où siège notamment Laurent Salomé. Pensées comme un hommage à la donation, ces acquisitions visent à en compléter les domaines absents, tels le mobilier, la sculpture, les objets d’art… sans s’interdire d’acquérir quelques tableaux importants. L’énergie et l’enthousiasme qui entourent le projet nous a également valu des premiers dons, et je remercie sincèrement nos premiers mécènes pour leur confiance. Une Société des amis du musée a d’ailleurs été créée en juin dernier, présidée par Mme Clémentine Gustin-Gomez.

Le Petit château de Sceaux servira de préfiguration au futur musée du Grand Siècle qui ouvrira début 2026. Comment se présente-t-il ?

Il était indispensable de disposer dès à présent d’un lieu pour incarner le projet durant les quatre années qui viennent. Espace de réception et de travail, le Petit château (1661), situé dans le domaine départemental de Sceaux, est surtout pour nous un merveilleux lieu d’exposition, qui permet d’expliquer le projet, mais encore de présenter les acquisitions faites pour le futur musée depuis 2019. Le public peut y découvrir dans une atmosphère de maison privée, entièrement restaurée, une suite de tableaux, sculptures, mobiliers et objets d’art du XVIIe siècle français, répartis dans trois salles aménagées par nos soins. Deux autres espaces sont plus spécifiquement dédiés à la donation Rosenberg : l’exposition inaugurale, qui dure jusqu’au 24 décembre, permet ainsi d’en dévoiler une trentaine de superbes dessins et tableaux.

Enfin, une salle de conférences a été aménagée dans l’aile sur cour du Petit château. Durant le dernier trimestre 2021, deux cycles de conférences y sont proposés, l’un sur le projet du musée, l’autre consacré aux nouveaux regards sur le Grand Siècle. Toutes ces informations sont disponibles sur notre site internet.

En faisant vivre le projet et ses avancées jusqu’à 2026, en permettant également de recevoir nos mécènes, ce pavillon de préfiguration jouera donc un rôle majeur. Tous les amis de Versailles y sont naturellement très bienvenus !

Vous êtes un amoureux du Grand Siècle, que représente Versailles pour vous ?


Versailles ? c’est d’abord la France, dans sa gloire comme dans ses échecs, dans son épaisseur historique et ses formidables contradictions : la grande maison de la grande famille. C’est aussi une évidence ; je suis certain que sans Versailles, la France serait différente, car c’est un monument qui se dépasse lui-même pour occuper un large espace-temps.

Sur un registre plus intime, c’est la source de ma vocation d’historien de l’art et de mon engagement pour le patrimoine : j’ai grandi dans un village voisin, au milieu de la laideur galopante des Trente Glorieuses. Quand flottait le drapeau noir de la médiocrité contemporaine, Versailles me protégeait, me permettant de replonger aux sources du passé, de renouer la chaine des temps. Non par nostalgie, mais comme un remède pour voir clair. Je crois qu’il faut rester humble, cependant : après avoir longtemps travaillé sur l’édifice, Versailles me demeure encore un mystère. On n’en a jamais fini…

Visite pour les Amis de Versailles

A l’occasion de l’inauguration, les Amis organisent une visite privilège du pavillon de préfiguration par Alexandre Gady le 1er Octobre à 10h45. Il reste encore quelques places. Vous pouvez réserver ici.

Pour en savoir plus

Vous pouvez consulter l’article de HDS Mag que vous retrouverez ici ou regarder cette vidéo (sur Facebook).

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