Portrait d’auteur : 3 questions à Emmanuel de Valicourt autour de son ouvrage « Les favoris de la Reine, dans l’intimité de Marie-Antoinette »

Publié le 28 novembre 2020

Emmanuel de Valicourt, docteur en droit et enseignant, se passionne pour la société française qui précède la Révolution. Il est l’auteur d’une biographie de Charles-Alexandre de Calonne, ministre de Louis XVI, saluée par la critique.
En 2019, il publie son deuxième ouvrage intitulé « Les Favoris de la Reine. Dans l’intimité de Marie-Antoinette » publié aux Editions Tallandier. Emmanuel de Valicourt est venu présenter son ouvrage aux Amis de Versailles lors d’une conférence au château de Versailles en février dernier et a accepté, à notre grande joie de nous en dire quelques mots pour les Chroniques.

Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre ouvrage
« Les favoris de la Reine, dans l’intimité de Marie-Antoinette »

Que représente Versailles pour vous ?

Le palais concentre en lui même la quintessence du raffinement de ce que l’art français a pu produire en un peu plus d’un siècle dans presque tous les domaines. Mais si c’était une vitrine du royaume dans l’esprit de Louis XIV, ce fut aussi un lieu de vie où l’on a gouverné et servi, intrigué et trahi, pleuré et aimé, discuté et ri. Ce cadre à la beauté exceptionnelle a porté les activités humaines, positives ou pas, peu importe, à un haut degré de réalisation.
Aujourd’hui ce n’est plus un lieu de vie quotidienne, mais des centaines de milliers de personnes traversent la France, l’Europe ou le monde pour venir y passer quelques instants. J’aimerai qu’ils y goûtent cette vie portée à un haut degré d’accomplissement, où rien ne se peut faire à demi, et que de retour chez eux ils en rapportent quelque chose dans l’ordre d’un enthousiasme pour eux mêmes et leurs proches.

Quel est votre endroit coup de cœur au Château ?

Il s’agit sans conteste du cabinet de Garde-robe de Louis XVI*, l’une des ultimes créations de décor avant la Révolution que l’on doit aux frères Rousseau. C’est un peu la douceur du raffinement avant les larmes et le sang ! La profusion iconographique et la multiplicité des thématiques abordées auraient pu entraîner une surcharge. Pourtant c’est l’impression de légèreté et de finesse qui dominent grâce à la guirlande en arabesque qui constitue l’encadrement de chaque panneau de la boiserie, le centre étant laissé vierge.

J’y vois un témoignage précieux sur Louis XVI, l’un des seuls aménagements commandés par le roi pour son confort quotidien. Par touches discrètes, l’ensemble nous fait pénétrer dans son intimité : d’abord par la présence de son profil et de celui de la reine se faisant face et qui sont délicatement intégrés au décor. En partie bûchés à la Révolution, la restauration de 2009 a permis de les restituer. Bien loin de l’iconographie solennelle de la monarchie, c’est un touchant témoignage du couple royal que les épreuves avaient rapproché.

Ensuite on y comprend le caractère travailleur et appliqué du roi. Loin des représentations légères et insouciantes du précédent règne, c’est ici la conscience de ses responsabilités en matière de gouvernement qui se donne à voir dans les registres de l’agriculture, du commerce, de la marine, de la guerre, des sciences et des arts. Même en un lieu qui pourrait être consacré au délassement, Louis XVI se montre soucieux du bien de ses sujets et de la prospérité du royaume. Ce cadre lui rappelle, jusque dans l’intimité, ses devoirs de monarque éclairé. La présence des armes de France sur chaque panneau, accompagnées du sceptre et de la main de justice, attestent cette bienveillante présence du roi sur tous les domaines d’activités.

Enfin le goût du souverain pour les sciences et les techniques y est exprimé de façon particulièrement réaliste. Ce penchant bien connu de Louis XVI est représenté par des instruments de mesure, d’étude ou d’expérimentation comme une balance portative accompagnée de son cadran, une sphère armillaire et une sphère céleste, une boussole, une lunette télescopique, un graphomètre à pinnules, des règles, rapporteurs et compas de géométrie, un ouvrage de Newton couvert de formules scientifiques, un sablier pour mesurer le temps, et une étonnante machine pneumatique à création de vide. C’est l’esprit savant du temps de l’Encyclopédie, qui est aussi celui de ce roi des Lumières, passionné de connaissance scientifique.

Oui vraiment, cette très petite pièce de seulement treize mètres carrés est une forme de manifeste d’un Louis XVI discret et parfois énigmatique, montrant ici son intimité, son sens du devoir et du travail, son goût pour la technique.

* Le Cabinet de la Garde-Robe de Louis XVI a été restauré en 2009 grâce au mécénat de Lady Michelham of Hellingly, par l’intermédiaire de la Société des Amis de Versailles.

DU MEME AUTEUR

Calonne, la dernière chance de la monarchie, paru aux Editions Clément Juglar en 2015

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