Portrait d’auteur : questions à Calin Demetrescu pour son ouvrage « Les ébénistes de la couronne sous le règne de Louis XIV »
Publié le 13 novembre 2021
Calin Demetrescu est un historien de l’art, ancien conservateur des musées de la Ville de Bucarest et a également été collaborateur scientifique du département des objets d’art du musée du Louvre pendant plusieurs années. Il est l’un des spécialistes des ébénistes et du mobilier des XVIIe et XVIIIe siècles.
La thèse de Calin Demetrescu sur le même sujet que son ouvrage « Les ébénistes de la couronne sous le règne de Louis XIV » soutenue en 2010, avait reçu le Prix Georges-Nicole de la Société d’Histoire de l’Art français. Il nous parle aujourd’hui de l’ouvrage qui vient de paraitre.
Parlez-nous de votre ouvrage « les ébénistes de la Couronne sous le règne de Louis XIV ».
Les ébénistes de la Couronne sous le règne de Louis XIV est le fruit d’une vingtaine d’années de recherches aux Archives nationales, dans des bibliothèques, des collections publiques et privées. J’ai privilégié deux aspects pour ma recherche : dans un premier temps celle de l’approche sociologique du groupe d’ébénistes étudiés, des relations socio-professionnelles qui s’établissaient au sein même du groupe, concrétisées dans l’élaboration de la théorie de la nébuleuse et des centres, impliquant nécessairement l’étude des motifs récurrents et des séries analogiques pour l’analyse des meubles. Dans un second temps et en appliquant cette méthode de travail que j’avais élaborée, j’ai donné une production cohérente à divers ébénistes, autres qu’André-Charles Boulle et Pierre Gole. Enfin, les nombreux documents étudiés et cités m’ont permis de reconsidérer certaines affirmations relatives à l’œuvre d’André-Charles Boulle et à étudier sous un angle différent la production de son atelier, surtout à ses débuts, mais aussi de revoir l’œuvre de Pierre Gole et d’attribuer une production à Alexandre-Jean Oppenordt, à Jean Armand, aux frères Godron ou à Philippe Poitou.
A quoi ressemblait la vie d’un ébéniste de la couronne (condition de vie, reconnaissance…)
C’est très différent : les uns étaient logés et exerçaient leur art dans les lieux privilégiés (galerie du Louvre, les Gobelins, etc.), d’autres vivaient dans différents quartiers de Paris ; le statut d’« ébéniste du roi » leur conférait certains privilèges dont les autres ébénistes de la capitale jouissaient en moindre mesure ou pas du tout, Paris étant une ville jurée où l’exercice du métier était très réglementé par le corporatisme de la communauté des maîtres menuisiers ébénistes. Les uns d’entre eux firent fortune et permirent à leur progéniture parvenir à la noblesse, comme fut le cas du fils de Renaud Gaudron ou de celui d’Oppenord, l’illustre architecte qui dessina pour le Régent. D’autres, tel Domenico Cucci, après des heures de gloire et des gains très importants, finirent leurs jours presque dans l’indigence. Certains furent de grands collectionneurs, tel André-Charles Boulle, que cette passion dévorante entraîna à un moment donné même la perte de sa liberté, d’autres comme Armand collectionnaient des tableaux tout en s’adonnant au commerce de peintures…
Dans votre livre, vous décrivez la vie et l’œuvre de nombreux ébénistes, lequel d’entre eux vous a particulièrement marqué ?
Ils m’ont tous marqué, chacun à sa manière : Domenico Cucci par l’importance de ses meubles somptueux et de ses bronzes ; les Gaudron par leur production, tout à l’opposé de celle de Cucci, qui a marqué avec ses savantes combinaisons des bois de rapport les dernières années du règne de Louis XIV ; André-Charles Boulle qui m’a occasionné quelques importantes découvertes documentaires et une remise en question de quelques affirmations qu’on pensait comme des choses acquises, et dont l’étude m’a permis d’offrir une approche nouvelle de son œuvre ; mais les deux ébénistes qui m’ont le plus « marqué » sont Alexandre-Jean Oppenordt et Jean Armand. Le premier, parce que j’ai réussi à lui donner une œuvre cohérente ; le second, car je l’ai sorti, pour ainsi dire, de l’oubli et l’attribution des pièces que j’ai reliées à sa création, s’est vue confirmée par la découverte ultérieure de sa signature gravée à la main sur une cassette et un coffret faisant partie du corpus s’œuvres attribuées à Armand.
Que représente Versailles pour vous ?
Pour paraphraser le titre d’une excellente exposition d’il y a plus de trente ans, pour moi, Versailles n’est pas un, mais LE moment de perfection de l’art français. A chaque fois que je la regarde me retournant depuis le parterre de Latone, sa façade sur le grand degré du jardin, me procure une sensation de plénitude et la fierté d’appartenir à ce grand peuple français.
Quelle est votre pièce de mobilier coup de cœur au château ?
A l’évidence le bureau recouvert de marqueterie en contrepartie réalisé avec sa paire en première partie, aujourd’hui au Metropolitan Museum of Art de New York, pour le Petit Cabinet où le roi écrit, qui furent livrés par Alexandre-Jean Oppenordt en 1685 ! Mais aussi, sans surprise, les deux commodes pour le Trianon exécutés par André-Charles Boulle.
Bureau, Alexandre-Jean Oppenordt, 1685, acquis en 2015 grâce au double mécénat d’AXA et de la Société des Amis de Versailles en partenariat avec la Fondation du patrimoine
Si vous désirez en savoir plus sur l’ouvrage de Calin Demetrescu, nous vous invitons à venir sur notre stand au Salon « Histoire de Lire » le 20 et 21 novembre, où il sera présent à nos côtés. Vous pouvez en savoir plus sur notre site ou sur le site du Salon.
Thomas F. Hedin is Emeritus Professor of Art History at the University of Minnesota Duluth. He is also a Benefactor member of Société des Amis de Versailles (Friends of Versailles) for many years.He has...
Lauréate du Prix P.J. Redouté, dans la catégorie « Historique », et du Prix Saint-Fiacre dans la catégorie « Coup de cœur » « Gazons est bien plus qu’une étude scientifique, c’est un livre passionnant et admirablement illustré...